Une journée de décembre 2005. Les musiciens de SOILWORK s'affairent en toute circonstance à décorer le sapin destiné à trôner fièrement dans leur studio d'enregistrement. Alors que retentit la compilation
Death Metal Bells - Butchering Xmas, une voix s'élève soudain:
"Bon, les copains, j'en ai marre, je vous quitte !"
Tout le monde stoppe net toute activité. Même la chaîne hifi marque un temps d'arrêt. Les têtes se retournent d'un seul homme vers Peter Wichers, debout, raide comme un piquet, un carton de guirlandes et autres accessoires dans les mains.
"Peter, on a bientôt fini de décorer le sapin, y en a plus pour longtemps, va.
- Non, j'arrête tout. Le groupe, les tournées, j'en peux plus..."
L'homme lâche le carton qui tombe lourdement (au ralenti) sur le parquet Ikea. Une boule de Noël estampillée d'un crâne roule par terre dans un silence de mort. Les musiciens, sciés, regardent Peter faire demi-tour (toujours au ralenti) et disparaître par la porte, dans le blizzard. Rideau.
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Presque deux ans plus tard sort
Sworn to a Great Divide, le septième album studio de SOILWORK, et donc le premier réalisé sans le principal compositeur du groupe. Pas une mince affaire, quand on sait combien le bonhomme a enfanté de pépites thrashisantes sur les précédents albums du combo. En deux albums brillants,
A Predator's Portrait et
Natural Born Chaos, SOILWORK s'est imposé comme l'un des fers de lance du death metal mélodique, par l'apport de compositions redoutables mariant avec le plus grand bonheur une agressivité foudroyante avec des mélodies tombées du ciel, un contraste rendu encore plus saisissant grâce aux vocaux versatiles de son charismatique chanteur: Björn Strid.
Et même si
Figure Number Five est sorti trop précipitamment et que
Stabbing the Drama a commencé à diviser les fans à cause de ses contours plus adoucis, le groupe parvenait toujours à créer la différence avec la foultitude de groupes émergés depuis et qui se réclamaient en partie influencés par SOILWORK. Une différence de taille: le feeling.
Et c'est sur ce point qu'il y a fort à parier que
Sworn to a Great Divide aura bien mérité son nom. Car si le groupe a décidé de pratiquer le même style que sur ses quatre précédents opus, ce serait se voiler la face que de dire qu'il le fait toujours aussi bien. Oh, certes, ça riffe, ça mouline sévère derrière les fûts, Strid assure toujours aussi brillamment derrière le micro (c'est sans doute sa meilleure prestation vocale) mais... Comment dire ? Il manque le truc, la part de magie, ce feeling dont je vous parlais plus haut. En quittant le groupe, Wichers a tout bonnement emmené avec lui tout ce qui en faisait l'identité.
Sur ce disque, SOILWORK cherche désespérément à faire du SOILWORK. Les onzes titres proposés sont donc autant de tentatives de retrouver ce qui en faisait l'essence. Las, il faut se rendre à l'évidence: SOILWORK n'est plus SOILWORK, chaque essai ne sonne pas naturel et n'est qu'un coup dans l'eau. "Exile", l'abominable premier single, en est la plus triste des illustrations: un groupe qui se force sans conviction à pratiquer son style habituel, qui n'est plus que l'ombre de lui-même et, pire, qui se fond dans la masse qu'il a en partie engendrée.
Certes, quelques lueurs parviennent à filtrer du fin fond de cette abîme de médiocrité: le riff Slayerien de "Bleeding Thorns", le chant très new-wave de Strid sur le couplet de "Light Discovering Darkness", les bons titres, en creusant, que sont "I, Vermin", "As the Sleeper Awakes" et "20 Miles Away" (on est loin d'un "Shadowchild" et d'un "Black Star Deceiver", néanmoins), mais ces trop brefs instants créatifs ne constituent pas pour autant un bon album, un album au final indigne du groupe et de sa discographie, et en effet promis à une grande division, outre celle des fans: celle d'un groupe avec son génie créatif qui s'est fait la malle.
Verdict: 1/5
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