Pour l'écriture de son 5ème album studio, KING DIAMOND a délaissé les histoires de fantômes telles que l'on pouvait en trouver sur "Abigail" ou bien "Them". "The Eye" rapporte des faits et évènements qui ont réellement existé et qui se sont déroulés pendant l'inquisition française (1450-1670 - dates relatées dans le livret du disque), période peu glorieuse de la chétienté, puisque l'inquisition était une institution judiciaire écclésiastique créée justement par le pape afin de rechercher, juger et condamner les personnes coupables d'hérésie (à cette époque ces personnes étaient tout simplement considérées comme des ennemis de l'état) afin de maintenir l'ordre moral. Inutile de vous dire, que les personnes suspectées de sorcellerie n'avait que très peu de chances de s'en sortir et terminaient bien souvent sur le bûcher. Pour en revenir à l'album, petite présentation de l'histoire tout d'abord :
Jeanne Dibasson, jugée coupable de sorcellerie devant la chambre ardente (présidée par Nicolas de la Reynie, premier lieutenant général de police de Paris) est brûlée vive sur la place publique. Deux petites filles vont trouver dans les cendres de cette hérétique, "The eye" qui est en fait une amulette aux pouvoirs étranges et mystiques. A travers cette amulette, elles vont voir d'horribles choses dont les évènements qui ont touché quelques années plus tôt le couvent de LOUVIERS:
Madeleine Bavent, jeune fille naîve entre au couvent de Louviers à l'âge de 18 ans après avoir été séduite par le Père Pierre David (pas vraiment un saint donc!) qui mourut quelques temps après (1628). Il fut remplacé par le Père Mathurin Picard. Le père Mathurin Picard va vite la harceler physiquement, la soumettre à ses charmes et l'entrainer avec d'autre soeurs dans des sabbats: rituels sexuels, danses lascives, orgies avec les démons, sacrifices d'enfants. Madelaine dénonce le Père Picard. Il sera déclaré coupable de sorcellerie et finira par mourir en 1642 avant son exécution. Après enquête, Madelaine Bavent sera jugée "possédée" et sera condamnée à la prison à vie où elle mourra en 1647. Une histoire bien réelle (avec donc des personnages on ne peut plus vrais) et exploitée à merveille par Monsieur KING DIAMOND (alias Kim Bendix Petersen). Les évènements de Louviers auront je cite "marqué tout à la fois l'apogée de la chasse aux sorcières en France au XVIIe siècle et l'amorce d'une réaction des élites intellectuelles contre les abus qu'elle entraînait".
Contenu de l'album maintenant :
Pour commencer, "The eye" est un disque doté d'un climat particulièrement impressionnant, puissant et empreint d'un certain mysticisme (la production de l'album y est d'ailleurs très enlevée et soignée). Pour cela, KING DIAMOND n'a pas hésité à utiliser plus que de coutume des claviers qui sévissent et gouvernent littéralement sur la majorité des morceaux. Bien évidemment, le titre d'ouverture "The eye", plutôt mid-tempo d'ailleurs, en est la meilleure illustration puisque ce titre a été composé à partir de la ligne de claviers. Ce morceau ouvre magistralement les hostilités. La ligne de claviers est imparable et nous plonge directement dans l'univers sombre de l'inquisition française avec cette ambiance quasi médiévale. Vous rajoutez à cela des riffs particulièrement simples mais efficaces, la voix de King Diamond (qui n'a d'ailleurs jamais aussi bien chanté que sur ce disque), des effets de voix absolument impressionnants, des soli de très haute qualité et de plein pied, "The eye" vous colle au mur comme cela sans coup férir. Ni une, ni deux, vous voilà plongés en plein coeur de l'inquisition française.
Outre l'utilisation omniprésente de claviers (orgue hammond sur "The trial (chambre ardente", "Burn", "Behind the walls"...), "The eye" marque également une nette différence avec son prédécesseur de par des titres très directs ("Burn", "The trial (chambre ardente)", "Behind the walls", "The curse"), dans l'ensemble assez rapides, sans fioriture et beaucoup moins alambiqués que sur "Conspiracy". Ici, les morceaux vont droit au but. L'album gagne d'ailleurs en vivacité, en fluidité (gros point fort du skeud d'ailleurs), et un effort tout particulier a été déployé sur les guitares que ce soit en lead ou en solo. Les guitares se montrent d'ailleurs particulièrement agressives ou virulentes que ce soit sur l'excellent "Burn" aux multiples breaks et aux interminables soli de la paire La Rocque/Blakk ou sur l'effrayant "The trial (Chambre ardente)" qui est d'ailleurs pour moi le meilleur titre du skeud. "The trial" qui se déroule sous forme de dialogue (entre Nicolas de la Reynie et Jeanne Dibasson - KING DIAMOND à la voix polymorphe et maléfique y représente bien évidemment les 2 personnages - Effets garantis!), affiche une section rythmique particulièrement véloce (accélérations de rythmes époustouflantes, riffs particulièrement lourds et agressifs) juxtaposée à des soli étincelants (à tour de rôle La Rocque et Blakk s'en donnent d'ailleurs à coeur joie). Ce titre est d'une efficacité rare et nous délivre d'ailleurs un final somptueux.
Pour en revenir à la paire Andy La Rocque / Pete Blakk, je dirais qu'elle est tout bonnement exceptionnelle et ce tout au long de l'album. Leur travail de sape est phénoménal et cadre comme jamais avec l'ambiance de l'album. Les soli sont tout bonnement incroyables (3-4 par morceau) et font preuve d'une limpidité et d'une folie comme rarement j'ai entendues. Vivacité, fluidité, virevolte et feeling sont les maîtres-mots de leur association explosive. En bref, leur boulot sur "The eye", c'est...DU PUR BONHEUR! Saluons également le travail de la section rythmique composée de Hal Patino / Snowy Shaw (qui remplace pour le coup l'inusable Mikkey Dee) laquelle soutient largement la comparaison avec notre paire de gratteux.
Enfin, comme de coutume chez KING DIAMOND, on pourra noter que "The eye" n'échappe pas à la règle et nous délivre deux mini morceaux de qualité; "Two little girls", genre d'interlude angoissant, exempt de guitares mais doté d'effets instaurant une ambiance plutôt malsaine (KING DIAMOND et son chant récitatif y est d'ailleurs excellent), et "Insanity", instrumental électro-acoustique empreint d'une certaine tristesse composé par Andy La Rocque.
Pas la peine de touner autour du pot donc, "The eye" est pour ma part le meilleur album de KING DIAMOND. Voilà c'est dit. Aucun des albums suivants n'égalera ce petit chef d'oeuvre de heavy metal "dark" mélodique (malgré ses qualités, "Spider's lullabye" qui sortira en 1995 avec la reformation du groupe - (eh oui, peu de temps après "The eye", KING DIAMOND splittera) - paraitra bien fade à coté). "The eye" est génial tout simplement, doté de compositions ultra-efficaces et surtout, surtout agrémentées de breaks époustouflants et de soli de haute voltige jamais égalés chez KING DIAMOND.
Fluidité, limpidité, efficacité, voici ce qui caractérise "The eye", album sur
lequel on a l'impression de surfer littéralement tant le contenu s'enchaine avec une facilité déconcertante. Certainement l'album le plus abouti de KING DIAMOND que ce soit au niveau des compositions ou au niveau des
arrangements.
CHEF D'OEUVRE!