Chronique rédigée le 24 juillet 2007. Précision essentielle pour comprendre à quoi rime cette histoire d'escaliers mouillés et d'hôpital Sillonnant une nuit calme et sans étoiles, deux corbeaux au plumage aussi noir et brillant que le jais se dirigèrent dans un battemant d'ailes feutré vers une immense bâtisse qu'un éclair illumina avant qu'un grondement de tonnerre se fit entendre. La pluie commença à tomber. Les deux volatiles se posèrent sur les remparts de la plus haute tour et murmurèrent, en direction d'une personne coiffée d'un casque, vêtue d'une cape flottante, et qui semblait les attendre:
"Crôa, crôa, des entrailles les plus profondes de Midgard,
Nous t'amenons, ici, dans la céleste Asgard,
Le seul être humain qui apprécie
Gods of War,
L'oeuvre tant décriée des si fiers Manowar."
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J'ouvris un oeil et vit une charmante soignante sur ma gauche en train de
s'affairer sur d'autres patients. J'en ouvris un autre et vit se pencher vers moi une autre soignante. Probablement des infirmières. Dans tous les cas, la beauté de ces créatures ne trahissait en aucun cas les fondements de leur légende. La seule différence ici, loin de m'incommoder, étant leur nudité intégrale.
"Il est réveillé, emmenons-le voir notre Père, comme prévu."
Notre Père ? Diantre ! Quel géniteur serait assez pervers pour laisser ses
filles se promener nues devant tant d'inconnus ? Etant encore affaibli, les deux jeunes femmes me portèrent sur leurs épaules pendant toute la traversée d'un couloir large et sans fin aux côtés duquel des milliers de portes devant mener aux autres chambrées de cet immense hôpital se dressaient sur des murs faits d'acier. Au bout de ce qui me sembla être une éternité, nous parvînmes devant une imposante double-porte, sur laquelle étaient gravées des scènes de combat entre ce qui semblait être des humains et des géants et aussi une sorte de reconstitution de la genèse du monde avec des dessins d'os, de dents et de sourcils... Le genre de fresque qui fait perdre toute crédibilité à une telle Institution mais bon, ça a le mérite d'être chiadé.
Les portes s'ouvrirent dans un grand grincement, les secousses étaient elles qu'elles firent trembler tout l'immense couloir.
"C'est ici. Notre Père vous attend à l'étage."
Je me trouvai au pied d'un escalier en colimaçon taillé dans le roc. Je
décidai à le monter et finit par me retrouver dans une pièce magnifique dans le pur style rococo, éclairée par un nombre incalculables de bougies nacrées. Deux corbeaux me fixaient depuis une ouverture dans le mur.
"Ca alors ! Heckel et Jeckel !" déclarai-je avec un sourire aux lèvres qui illumina tout mon visage, avant que des mots emplis de colère résonnent dans toute la pièce, qualifiant ma confusion d'impardonnable et me déclarant que la vengeance du Dieu de la guerre et de la mort serait terrible. Des phrases qui eurent tôt fait de glacer les sangs de tout mortel normalement constitué s'ils n'avaient été prononcés dans un accent ch'ti épouvantable, ce qui donna à peu près ça:
"Qui qu'tu racontes sur mes corbieaux ? D'où qu'tu sors ? C'est eud'Huginn et eud'Muninn qu'tu causes ! Ta confusion, a l'est point pardonnable ! Mi, eul'Seigneur deul'guerre et deul'mort, j'va m'venger et ça va être eul'brun pour toi, t'vas voér !"
Dans l'optique de finir mon récit dans les meilleures conditions, le langage
employé sera le Français lambda, le narrateur ne souhaitant pas se faire massacrer à force d'avoir trop ri.
Sur ces entrefaits, un petit bonhomme, haut comme tois pommes mais de corpulence trappue, sortit de la pénombre, s'avança vers moi et me tendit la main que je lui serrai. Il me regarda de son unique oeil doré, ouvrit la bouche et me dit, sur un ton calme:
"Pardonne mes excès de colère. Je suis Odin, Chef du Panthéon Nordique. Sois le bienvenu à Valhalla.
- Odin ? Le Dieu de la guerre, de la mort, de la poésie, de la sagesse ?
Celui qui chevauche Sleipnir, le cheval aux huit jambes et dont la lance Gungnir ne manque jamais son but ? Odin, dont l'aspiration à la sagesse est telle qu'il se pendit durant neuf jours à l'arbre Yggdrasil et sacrifia un oeil pour boire une simple gorgée du puits de sagesse ? Odin, celui qui a terrassé les géants et qui observe les Neuf Mondes depuis son trône, est à peine plus grand qu'un Schtroumpf ? Mais ça n'a pas de sens !
- Du sens ! Ah ah ! Du sens ! Parce que tu trouves que ça a du sens, ces histoires de géants qui sont nés de la sueur d'un seul être ? Tu trouves ça sensé, que mon père soit sorti de la glace qu'une vache a fait fondre en la lêchant continuellement ? Tu trouves sensé qu'une femme puisse enfanter d'un loup, d'un serpent et d'un zombie ? Tu trouves ça tellement sensé, mortel ahuri, que nous nous préparions toute notre vie pour un combat dont nous savons pertinemment que nous serons perdants ? Par ailleurs, comment se fait-il que tu sois si bien informé sur ma personne alors que tu ne connaissais visiblement pas mes deux corbeaux ?
- Hé bien, c'est simple, je ne pensais tout simplement pas que j'étais chez vous, M'sieur Odin. Mais maintenant oui, je peux faire le rapprochement avec tout ce que j'ai appris sur vous depus que j'ai écouté le dernier album de Manowar... Pardon, de MANOWAAAR !!!
- Oui, tu parles de
Gods of War. Sais-tu que tu es la seule personne de Midgard à aimer cet album ? Par aimer, j'entends pleinement aimer, c'est-à-dire à n'y trouver aucun défaut, et non à le trouver perfectible, comme beaucoup, ou simplement indigeste, comme la majorité de tes semblables. C'est la raison de ta venue dans ma demeure, après que tu sois mort dignement au combat et que mes Walkyries t'aient amené jusqu'ici.
- Mort dignement au... ??? Attendez, attendez, attendez, là, M'sieur Odin. Je ne suis pas mort au combat, je me suis simplement cassé la figure dans les escaliers mouillés de mon lieu de travail avant de me réveiller ici...
-...Oui. Tu en es mort.
- ??? Mais, heu... On a vu plus digne, plus héroïque, plus épique comme mort, quand même, non ?
- Hé oui, soupira le Dieu de la guerre. Mais bon, on va dire que la vie
est un combat, et puis, la véritable raison de ta présence ici, c'est que j'aimerais que tu m'expliques quel intérêt tu trouves à cet album sur lequel je n'ose poser l'oreille tant que je ne suis pas sûr qu'il m'apportera quelque chose sans m'avilir l'esprit. J'en ai bavé pendant neuf jours suspendu à un arbre avec une lance qui me transperçait le corps afin d'acquérir une once de sagesse, ce n'est pas pour devoir recommencer après m'être souillé l'esprit de choses abjectes. Je ne peux pas croire que quelqu'un ait sorti quelque chose de mauvais en s'inspirant de mon histoire. Convainc-moi, convainc un Dieu, et tu convaincras les humains.
- Euh, ouais... Ben euh... Ca tue, quoi !..
- ... Ca commence fort... Et ?
- Ben euh, CA TUE ! Cet album est un concept autour de votre légende,
M'sieur Odin, il est donc particulier, on n'a pas juste des chansons et basta, il y a tout un tas d'ambiances qui ont été intégrées sous forme d'intermèdes, afin d'assurer un ensemble cohérent, de manière à ce qu'on ait l'impression d'écouter une histoire...
- Oui... Continue.
- Il y a quinze pistes sur cet album, constituées de huit chansons, le reste n'étant que des intermèdes qui relient le tout.
- Oui, il semblerait que ces intermèdes soient le réel point faible de cet album. Visiblement, ils plombent l'album. Peux-tu m'en dire plus ?
- Bien sûr, il existe deux sortes d'intermèdes, la première catégorie concerne ceux mettant en scène quelques-unes de vos tranches de vie. On rigole pas des masses quand on lit tout ça, M'sieur Odin; par contre, c'est vrai qu'on peut se poiler en les écoutant parce que la voix trafiquée du monsieur qui parle est toute déformée et rigolote. C'est toutefois quelque chose à laquelle on s'habitue au fil des écoutes. Je peux comprendre qu'on ait envie de passer ces intermèdes, mais ils me semblent nécessaires à la cohérence de l'ensemble. Je dirai même que ce souci d'unité permet de lancer la chanson qui suit dans les meilleures conditions, comme "The Ascension" et "Glory Majesty Unity", qui accentuent respectivement le côté guerrier de "King of Kings" et celui, épique, de la chanson-titre "Gods of War", par exemple. En ce qui me concerne, une fois qu'on est dedans, on écoute tous ces intermèdes avec grand plaisir. La deuxième catégorie concerne uniquement les passages symphoniques, qui sont de toute beauté...
- Ah oui, ces fameux "claviers Bontempi", coupa Odin.
- Claviers Bont... ? Ah oui, quand même. Evidemment, si les gens disent n'importe quoi et se relaient tout ça sans vérifier par eux-même, on n'a pas fini d'en lire, des conneries. A ma connaissance, il n'y a aucun passage qui sonne comme un âne qui braie quand on programme le clavier sur les violons par exemple, surtout quand on a affaire à un orchestre et des choeurs, d'ailleurs !.. Ironie mise à part, M'sieur Odin, prêtez l'oreille sur de pures merveilles comme "Overture to the Hymn of Immortal Warriors" et "Overture to Odin", écoutez aussi tous ces arrangements symphoniques qui émaillent les chansons de l'album et qui en accentuent le côté grandiose. Sans parler des choeurs qui apportent un supplément de souffle héroïque aux compos. Bref, qu'ils s'agisse des intermèdes narrés et symphoniques, les deux me paraissent globalement réussis et tout-à-fait indispensables pour assurer la
cohérence de l'ensemble, particulièrement les deuxièmes.
- Je suis en effet rassuré sur ce point. Mais finalement, le plus important, le
noyau de tout ça, ce sont les chansons. Que valent donc ces huit morceaux restants ? J'ai lu que même les meilleurs étaient indignes de ce que propose d'ordinaire MANOWAR...
- ...
- Qu'y a-t-il ?
- Il y a que, définitivement, je pense que cet album sera l'un des plus sous-estimés jamais sortis. Je ne comprends pas comment on peut trouver l'ensemble des chansons comme indignes de MANOWAR. Bon, okay, "Blood Brothers" est une ballade classique, aux frontières du mielleux, mais j'adore cette chanson, elle me fait monter les larmes aux yeux et rend pour cela justice à ce que laisse présager son titre niveau émotions. Tout dépend ensuite des ressentis de chacun. Mais dire qu'elle est indigne de MANOWAR, que TOUTES les chansons sont indignes de MANOWAR, c'est faux. Des chansons, que dis-je ? Des hymnes qui nous prennent aux tripes, qui nous rendent plus forts, nous donnent envie de nous battre pour nos brothers of metal, de chanter en choeur, la main sur la poitrine, sentant notre coeur battre, les épées levées vers le ciel; bref des chansons épiques et fraternelles qui nous étreignent, nous envahissent et nous transcendent, je connais peu de groupes encore capables d'en composer et les membres de MANOWAR prouvent sur ce disque qu'ils sont quelques-uns des derniers à savoir encore le faire. D'ailleurs, vous avez raison, M'sieur Odin, si je suis ici, c'est grâce à MANOWAR, je suis mort dignement aux combats mis en scène sur ce disque par MANOWAR, c'est sur
Gods of War que j'ai vécu ma dernière bataille, c'est sur
Gods of War que j'ai levé pour la dernière fois le poing vers le ciel, c'est
Gods of War qui m'a emmené ici, à ValhallAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!"
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Je me réveille en sueurs dans ma chambre d'hôpital, où j'ai atterri suite à une mauvaise chute dans les escaliers et ma jambe vient tout juste de me le rappeler. Odeur d'éther, perfusion dans le bras, pansements sur la jambe. Youpi, je suis dans la réalité ! Je ne suis pas mort, et je ne suis plus le seul à adorer le dernier MANOWAR !!! Hein, c'est vrai, les copains ???
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Hein, c'est vrai, les copains ?..
Verdict: 4/5
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